Comment l’IRM change notre vision du cerveau
Comment l’IRM change notre vision du cerveau
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Cela fait bientôt quarante ans que l’on peut « voir » à l’intérieur du crâne. Dans les années 1970, le scanner a permis d’obtenir les premières images, mais celles-ci étaient peu contrastées et irradiantes. C’est l’arrivée, dix ans plus tard, de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) qui a véritablement ouvert les portes de l’exploration du cerveau avec des images de qualité. « L’IRM est devenue la modalité d’imagerie de référence pour le cerveau », explique Didier Dormont, spécialiste en neuro-imagerie à l’Institut du cerveau et de la moelle (ICM).
Grâce aux informations qu’elle fournit sur la morphologie du cerveau, l’IRM est aujourd’hui utilisée pour le diagnostic et le suivi des tumeurs, mais aussi de pathologies à composante inflammatoire comme la sclérose en plaques. Dans cette maladie, l’IRM permet un diagnostic précoce et un suivi dans le temps beaucoup plus précis que les seules manifestations cliniques. Cette technologie est également très utile pour préciser le diagnostic en cas de suspicion de démence, avec l’identification d’éventuelles atrophies localisées, comme celle de l’hypocampe, qui est un des indices de la maladie d’Alzheimer.
Enfin, l’IRM peut être utilisée pour réaliser de façon non invasive -c’est-à-dire sans opérer -une exploration vasculaire cérébrale et détecter des lésions, des pincements, des anévrismes… « Sur le plan anatomique, l’IRM est extrêmement performante avec une résolution inférieure au millimètre », observe Didier Dormont. Et cette résolution va encore s’améliorer avec l’introduction de machines à plus haut champ : 7 Tesla, au lieu de 1,5 ou 3 Tesla actuellement.
Mais l’IRM ne se limite plus aujourd’hui à la seule production d’images anatomiques. Grâce à des innovations apparues au cours des vingt dernières années, elle permet de mieux comprendre ce qui se passe à l’intérieur du cerveau en détectant différents types d’informations : composition chimique, débit sanguin, mouvement de l’eau ou consommation d’oxygène.
Chimie et débit sanguin
L’IRM spectroscopique, apparue dans les années 2000, permet par exemple une étude détaillée des processus chimiques à l’oeuvre au sein d’une tumeur. La présence plus ou moins importante de certaines molécules, mise en évidence par un signal caractéristique, permet de distinguer une récidive d’une nécrose, ou d’estimer le caractère plus ou moins agressif d’une tumeur, avec une précision comparable à celle d’une biopsie, mais sans avoir à faire de prélèvement.
L’IRM de perfusion, quant à elle, donne des informations dynamiques sur le débit sanguin des microcapillaires qui irriguent le cerveau. Pour cela, plusieurs acquisitions sont effectuées avant, pendant et après l’administration d’un produit de contraste à base de gadolinium. Cette technologie a deux applications principales : les accidents vasculaires cérébraux (AVC) et l’alimentation des tumeurs. En cas d’AVC, elle permet de distinguer un accident ischémique (obstruction d’un vaisseau) d’un accident hémorragique (rupture d’un vaisseau avec saignement). Or le traitement est tout à fait différent selon qu’on est dans un cas ou dans l’autre. L’IRM de perfusion permet aussi d’observer l’alimentation sanguine des tumeurs, une donnée importante dans la mesure où plus une tumeur est vascularisée, plus elle est maligne. Et elle permet ensuite de mesurer l’impact du traitement.
L’IRM de diffusion, développée à partir des années 1990, s’intéresse, elle, aux mouvements des molécules d’eau. Grâce à cette technique, on peut notamment reconstruire le trajet d’un faisceau de fibre nerveuses sur toute sa longueur, car les molécules d’eau ont tendance à se déplacer dans leur sens. Cette opération, appelée tractographie, commence à être pratiquée par les neurochirurgiens préalablement aux interventions, afin d’épargner les faisceaux de fibres correspondant à des fonctions essentielles (motricité notamment). On l’utilise également dans la sclérose en plaques, pour identifier les lésions dans la matière blanche (qui est composée de fibres nerveuses) ou pour évaluer la maturation de la matière blanche chez les jeunes enfants.
Enfin, l’IRM fonctionnelle s’intéresse aux différences de consommation en oxygène (apporté par le sang) entre les zones du cerveau : en effet, une zone activée par une tâche en consomme davantage qu’une zone au repos. A partir de l’enregistrement des variations du signal résultant des changements de teneur en oxygène (principe de contraste Bold, « Blood Oxygene Level Dependant Contrast »), on peut déterminer les zones activées. C’est l’outil de prédilection des spécialistes des neurosciences, qui tentent de percer les secrets du fonctionnement du cerveau en faisant le lien entre l’activation d’une zone et sa fonction.
Comment ça marche ?
L’IRM est une technique basée sur l’observation de la résonance magnétique nucléaire (RMN) des protons de l’eau. Comme le corps humain est constitué d’environ 60 % d’eau – et même davantage pour les parties molles comme le cervea -, les protons hydrogène, très sensibles à la RMN, y sont naturellement abondants.
Lors d’un examen d’IRM, le corps est placé dans un champ magnétique puissant (1,5, 3, voire 7 Tesla) qui conduit les noyaux d’hydrogène à s’orienter tous dans la même direction. Dans un deuxième temps, de brèves impulsions électromagnétiques provoquent une rotation des noyaux qui reviennent ensuite à leur position initiale. Ce mouvement en retour s’accompagne d’une émission d’énergie. C’est ce signal qui est mesuré. L’intensité recueillie pour un élément de volume (ou « voxel », mot composé de la contraction de volume et pixel) dépend de la teneur en eau à l’endroit considéré. Par traitement informatique du signal, on obtient une image tridimensionnelle de la répartition en eau dans le corps du patient. On peut alors identifier une altération des tissus (telle que les tumeurs), grâce aux différences de densité et de temps de relaxation.
CATHERINE DUCRUET, Les Echos
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