Deux études subventionnées par la Fondation pour la recherche scientifique sur la SEP jettent un nouvel éclairage sur la SEP d’apparition précoce
Contexte
Bien que la sclérose en plaques soit diagnostiquée la plupart du temps chez de jeunes adultes, de 2 à 5 % de tous les cas de SP sont recensés parmi des jeunes de moins de 18 ans; on a même vu des enfants d’à peine deux ans présenter cette maladie. La SP diagnostiquée chez les enfants et les adolescents – SP pédiatrique – est très fortement apparentée à la forme cyclique (poussées-rémissions) de cette maladie chez l’adulte. Cela dit, certains symptômes ont tendance à être plus fréquents chez les enfants que chez les adultes, en particulier la léthargie et les crises d’épilepsie. L’établissement d’un diagnostic de SP pédiatrique est compliqué parce que cette maladie est similaire à d’autres affections de l’enfance – telles l’encéphalomyélite aiguë disséminée (EMAD), infection aiguë du système nerveux central, et certaines maladies des vaisseaux sanguins et des mitochondries – et que les enfants ont souvent de la difficulté à décrire leurs symptômes. À ce jour, les études montrent que de nombreux médicaments modificateurs de l’évolution de la SP employés dans le traitement des adultes atteints de cette maladie sont généralement sans risque pour les enfants, quoique la faible proportion des cas de SP pédiatrique ne favorise pas l’étude systématique de ce type de SP et de ses répercussions sur le développement de l’enfant.
Les résultats de deux études approfondies sur la SP d’apparition précoce ont été publiés le mois dernier par le Réseau canadien pour les maladies démyélinisantes pédiatriques, regroupant plus de 20 centres de soins en pédiatrie, situés dans 17 villes du Canada. Ce réseau a été créé grâce à une subvention coopérative de la Fondation pour la recherche scientifique sur la SP (FRSSP). Les chercheurs participants comprenaient les Drs Douglas Arnold et Brenda Banwell, titulaires de subventions de recherche de la Société de la SP et experts scientifiques renommés dans les domaines de l’imagerie neurologique et de la SP pédiatrique, respectivement. La première étude, sujet d’un article publié dans la revue Neurology, visait à mesurer l’impact de la SP d’apparition précoce sur la croissance et le développement du cerveau au fil du temps. La seconde, dont les résultats ont paru dans Multiple Sclerosis, consistait à comparer le degré de détérioration des tissus dans les lésions cérébrales inflammatoires d’enfants atteints de SP et de personnes chez qui la SP était apparue durant l’enfance à celui de personnes chez qui la SP était apparue à l’âge adulte.
La SP d’apparition précoce a des effets négatifs sur le cerveau en croissance
Dans le cadre de l’étude sur l’impact de la SP d’apparition précoce sur le cerveau, les chercheurs ont eu recours à l’imagerie par résonance magnétique (IRM) pour mesurer les modifications du volume cérébral, survenant au fil du temps, chez 36 personnes ayant reçu un diagnostic de SP durant l’enfance et présentant une forme cyclique (poussées-rémissions) de SP, comparativement à celles de personnes en santé (témoins). Les participants à l’étude ont été suivis durant une période allant de un à huit ans. Les chercheurs les ont répartis en fonction de leur sexe afin de voir s’il y avait des différences entre les femmes et les hommes relativement aux changements du volume cérébral. L’équipe de chercheurs a mesuré non seulement le volume du cerveau des participants, mais également les variations de volume de régions cérébrales importantes dans le maintien de l’intégrité de la fonction cognitive.
L’étude a montré que l’apparition de la SP chez l’enfant ou l’adolescent provoque un retard de croissance du cerveau et une diminution progressive du volume cérébral, phénomène appelé « atrophie cérébrale ». La SP d’apparition précoce a entraîné ce type d’atrophie tant chez les femmes que chez les hommes atteints de SP, bien que les trajectoires de croissance aient été différentes entre les sexes, ce qui laisse supposer que le sexe est un facteur important à considérer dans l’évaluation des changements dans le cerveau en développement des enfants et des adolescents atteints de SP. Fait étonnant à souligner : une région cérébrale appelée thalamus est particulièrement vulnérable à une altération de la croissance du cerveau. Étant donné que le thalamus est considéré comme la « porte d’accès vers la conscience » et qu’il sert de station de relais importante des messages en route vers le cortex cérébral (siège des fonctions dites élaborées, comme le langage et le traitement de l’information), les auteurs avancent l’hypothèse selon laquelle la diminution du volume du thalamus pourrait être associée à des troubles cognitifs parmi les personnes chez qui la SP est apparue durant l’enfance.
Le degré de détérioration des tissus dans les lésions de SP diffère selon que la SP est apparue durant l’enfance ou à l’âge adulte
Les collaborateurs à cette étude voulaient déterminer les différences dans les lésions cérébrales inflammatoires entre les personnes chez qui la SP est apparue durant l’enfance et celles chez qui la SP est apparue à l’âge adulte. Cette étude était fondée sur le fait que les enfants semblaient se rétablir plus promptement et plus complètement que les adultes après une atteinte cérébrale causée par un accident vasculaire cérébral ou un traumatisme crânien. Les auteurs ont présumé que le cerveau des enfants et des adolescents atteints de SP avait peut-être une plus grande capacité de récupération à la suite de la détérioration de tissus par des lésions inflammatoires. Ils ont suivi 29 enfants et 24 adultes atteints de SP et ont comparé les clichés d’IRM obtenus lors de trois séances d’imagerie réalisées à un an d’écart entre elles. Les chercheurs ont repéré des lésions cérébrales sur le deuxième cliché et ont utilisé un marqueur particulier utilisé en imagerie pour mesurer le degré de détérioration des tissus avant, pendant et après la formation d’une lésion donnée. En quantifiant les changements dans cette détérioration, ils ont pu comparer le degré de réparation des lésions chez les enfants et les adolescents à celui des adultes atteints de SP.
Les chercheurs ont constaté chez tous les participants à l’étude, tant les jeunes que les adultes, qu’en cas de réparation partielle dans une lésion donnée, cette réparation était plus importante chez les jeunes que chez les adultes, ce qui leur a donné à penser que le cerveau des enfants et des adolescents atteints de SP a peut-être une meilleure capacité de réparation des lésions que celui des personnes chez qui la SP est apparue à l’âge adulte. Les chercheurs ont donc l’intention d’étudier plus à fond ce phénomène et d’essayer d’établir un lien entre la réparation des lésions et l’atténuation de symptômes comme les troubles cognitifs et les incapacités physiques.
Commentaires
Ces deux études dont les comptes rendus ont été publiés par le Réseau canadien pour les maladies démyélinisantes pédiatriques jettent un éclairage nouveau sur des questions encore sans réponse liées à la SP d’apparition précoce, notamment les principales différences dans les mécanismes pathologiques entre la SP d’apparition précoce et la SP d’apparition avancée et les répercussions de la première sur le développement du cerveau. Pour les personnes atteintes d’une SP d’apparition précoce, les résultats sont mitigés. D’une part, l’organisme des enfants et des adolescents semble pouvoir régénérer les tissus détériorés par les lésions inflammatoires plus facilement que celui des adultes, en raison d’une capacité de réparation supérieure, mais d’autre part, cette capacité de réparation ayant ses limites, les enfants et les adolescents atteints de SP sont plus vulnérables à un retard de croissance du cerveau que ne le sont les enfants et les adolescents en santé. Ces observations justifient la poursuite de la recherche qui nous permettra de mettre au point des traitements capables à la fois de protéger le cerveau dès le début de la SP et de promouvoir vigoureusement la réparation des lésions sitôt que celles-ci apparaissent.
Sources
1. AUBERTE-BROCHE, B. et coll. « Onset of multiple sclerosis before adulthood leads to failure of age-expected brain growth », Neurology, 2014; 83(23):2140-6.
2. GHASSEMI, R. et coll. « Quantitative measurement of tissue damage and recovery within new T2w lesions in pediatric- and adult-onset multiple sclerosis », Multiple Sclerosis, 2014 [diffusé en ligne avant impression].