Interview du Professeur Olivier Lyon-Caen dans Paris-Match

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Interview du Professeur Olivier Lyon-Caen dans Paris-Match

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Le Pr Olivier Lyon-Caen, membre fondateur de l’Institut du cerveau et de la mœlle épinière (La Pitié Salpêtrière) et le Dr Caroline Papeix, neurologue des Hôpitaux de Paris. | Photo Emmanuel Bonnet

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Le Pr Olivier Lyon-Caen et le Dr Caroline Papeix exposent les bénéfices du fingolimod, prochainement commercialisé.

Paris Match. Quelles sont les cibles de cette maladie qui affecte le système nerveux central ?
Pr Olivier Lyon-Caen. Il y en a trois : le cerveau, la mœlle épinière, le nerf optique. En France, on estime à 80 000 le nombre de personnes atteintes, surtout des adultes jeunes. Un processus inflammatoire (induit par le propre système immunitaire du malade) attaque la gaine des nerfs : la myéline. Lorsque ces nerfs sont lésés, ils ne peuvent plus conduire l’influx nerveux. D’où l’apparition de troubles pouvant être sévères et invalidants. Il existe deux formes de sclérose en plaques (SEP) : la plus fréquente évolue par poussées (80 % des cas), l’autre (20 %) de façon progressive, sans poussées.

 

Les premiers symptômes de la SEP sont-ils spécifiques de ces atteintes neurologiques ?
Pr O. L.-C. Ils varient selon la localisation des lésions nerveuses. Le plus fréquent (dû à une atteinte du nerf optique) est une anomalie de la vision qui devient floue et s’accompagne de douleurs oculaires (quand l’œil bouge). Autres manifestations fréquentes : des troubles sensitifs se traduisant par des fourmillements, des engourdissements (au niveau d’un ou plusieurs membres), une gêne à la marche, car la jambe semble lourde. Des problèmes urinaires risquent de créer un handicap. Mais tous ces signes cliniques peuvent aussi être révélateurs d’autres maladies du système nerveux (que le médecin doit éliminer).

Comment s’assurer du diagnostic ?
Dr Caroline Papeix. Ce qui signe le diagnostic c’est la répétition des symptômes. Dans le passé, il fallait attendre l’apparition de nouveaux symptômes pour s’assurer de leur chronicité. Aujourd’hui, grâce aux formidables avancées de l’imagerie (IRM du cerveau et de la moelle épinière), il est possible de déceler une SEP à son début, après une seule poussée, avec plus de 95 % de fiabilité. Un progrès très important car plus on traite tôt, plus on a de chances d’être efficace.

Jusqu’à présent, comment traite-t-on les deux formes de SEP ?
Dr C.P. Aujourd’hui, la recommandation est de traiter tôt dès que le diagnostic est établi. Cette récente stratégie s’est révélée très bénéfique. En ce qui concerne la forme avec poussées, et pour prévenir celles-ci, on administre des immunomodulateurs, produits que l’on injecte par voie intramusculaire ou sous-cutanée. Il s’agit d’un traitement de fond destiné à diminuer les attaques des cellules immunitaires devenues agressives et à stimuler celles qui sont protectrices. Et lors des poussées, on donne de la cortisone qui réduit l’inflammation.

Quels résultats obtient-on avec ces protocoles ?
Dr C.P. Chez la grande majorité des patients “à poussées”, on parvient à stabiliser leur maladie : ces dernières se révèlent de plus en plus rares. Malheureusement certains ne répondent pas à la thérapie. Les poussées persistent, le handicap s’installe et s’aggrave. Au fil du temps, le périmètre de marche se réduit, pouvant aboutir à la perte de l’autonomie. Pour ces cas où l’évolution peut être sévère, on a mis au point d’autres traitements efficaces appelés “anticorps monoclonaux”. Mais ils risquent d’induire une grave maladie cérébrale virale : l’encéphalopathie multifocale progressive.

Et pour les formes progressives, où en est-on ?
Pr O. L.-C. Il n’existe toujours pas de traitement dont l’efficacité a été démontrée. Chez ces malades, leur handicap s’accroît car la maladie n’est pas contrôlée.

En fait, un tiers des personnes atteintes d’une forme avec poussées et celles souffrant une forme progressive sont plus particulièrement en attente d’un nouveau traitement ?
Dr C.P. Aucun nouveau médicament n’avait effectivement été commercialisé depuis plus de cinq ans. L’arrivée du fingolimod constitue une avancée très importante ! En France, il sera disponible début 2012. Les études internationales (auxquelles a majoritairement participé notre institut à la Salpêtrière) ont été réalisées sur plus de 1 000 patients. Toutes ont démontré une efficacité globalement deux fois supérieure à celle des immunomodulateurs pour les formes à poussées. Autre avantage : le fingolimod s’administre par voie orale sans aucune injection, ce qui facilite son utilisation. D’autres produits sont en cours d’évaluation dans différents centres de recherches dont le nôtre à l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM).

Pr O. L.-C. J’ajouterais toutefois un bémol : jusque-là, la tolérance à ce nouveau produit s’est révélée satisfaisante dans toutes les études. Mais il demeure des incertitudes sur d’éventuels effets secondaires à moyen et à plus long termes sur une plus large population. Les indications doivent être discutées au cas par cas. Il est impératif aussi que les patients traités soient très régulièrement suivis.

Le fingolimod pourra-t-il aussi être prescrit aux personnes atteintes de la forme progressive ?
Dr C.P. On l’espère. Pour ces malades, le produit est actuellement en cours d’évaluation. Les études sont déjà en phase III. On aura les résultats dans deux à trois ans. Outre ces avancées médicamenteuses, nous avons mis en place une organisation structurée avec des équipes pluridisciplinaires (kinésithérapeutes, psychologues, assistantes sociales, etc.). Des journées dédiées à l’explication de la pathologie et à l’action des traitements permettent aux patients de devenir des partenaires actifs.

Quels sont les travaux à l’ICM sur la SEP ?
Pr O. L.-C. Ils concernent différents axes : plusieurs chercheurs étudient par exemple les facteurs génétiques qui prédisposeraient à la maladie. D’autres travaillent sur les moyens de protéger la myéline, d’autres encore recherchent comment en réaliser une greffe…

Sabine de la Brosse – Paris Match

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