La sclérose en plaques et l’emploi sont-ils inconciliables en Europe?

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La sclérose en plaques et l’emploi sont-ils inconciliables en Europe?

Alors que nombre de personnes atteintes de la sclérose en plaques sont hautement qualifiées, plus de la moitié perdront leur emploi, une fois le diagnostic posé. De simples aménagements de leurs conditions de travail suffiraient pourtant à préserver leur emploi.

Les maladies cérébrales représentent un coût des soins de santé en constante augmentation. Selon une étude menée par le Conseil européen du cerveau (CEC), il est passé de 386 à 798 milliards d’euros entre 2004 et 2010.

Outre le coût croissant de ces maladies sur les sécurités sociales, l’Europe perd également de jeunes travailleurs hautement qualifiés, car beaucoup de jeunes perdent leur emploi rapidement à la suite de l’annonce de leur diagnostic. Cette situation se produit alors que les employeurs doivent seulement faire de petits ajustements sur le lieu de travail pour garder la jeune recrue atteint d’une maladie cérébrale, telle que la sclérose en plaques. En Europe, à peu près 70 % des 600 000 patients atteints de la sclérose en plaques sont diagnostiqués entre la vingtaine et la trentaine.

Shoshana Pezaro a, par exemple, été diagnostiquée avec une sclérose en plaques à l’âge de 28 ans. Bien qu’elle a vécu avec les symptômes de la maladie pendant des années, elle a obtenu un diplôme universitaire en théâtre et en cinématographie et a trouvé un emploi dans la télévision immédiatement après l’obtention de son diplôme. En tant que coordinatrice de production, elle travaille parfois pendant deux jours non-stop, et ce, même si elle perd le sens du toucher au niveau de ses membres supérieurs. Elle a également besoin d’aide pour s’habiller le matin et doit être conduite sur son lieu de son travail.

Au bout d’un moment, Shoshana a décidé de s’établir comme indépendante à Brighton, en Angleterre. Elle a lancé sa propre affaire, afin d’avoir une meilleure emprise sur son temps de travail. Elle emploie actuellement 13 autres salariés qui donnent des cours de piano, de chant, de danse et d’art dramatique.

Cependant, Emma Rogan, coordinatrice de projet au sein de la Plateforme européenne sur la sclérose en plaques (EMSP) en Irlande, tient à souligner que les types de symptôme et leur degré de gravité varient énormément d’un patient à l’autre.

Ainsi, certains peuvent se permettre de travailler à temps plein sans nécessiter de grands changements à leurs habitudes de travail.

« La fatigue est un symptôme pour nombre de patients vivant avec la sclérose en plaques, moi y compris, » a déclaré Emma Rogan lors d’un entretien. « Néanmoins, planifier des périodes de repos dans la journée me permet de continuer à travailler et à remplir mes tâches. En vue d’y arriver au mieux, mon employeur a mis à ma disposition un fauteuil inclinable à l’intérieur du bâtiment. Pour d’autres, il peut s’agir d’un allongement du temps de la pause déjeuner, afin qu’ils puissent aller à la maison et se reposer, » a-t-elle expliqué.

La sclérose en plaques touche la substance blanche (myéline) du cerveau et la moelle épinière, ainsi que le reste du système nerveux. Plus d’un million de personnes sont frappées indirectement par cette maladie, parmi lesquelles les membres de la famille ou encore les aides-soignants, selon l’EMSP.

Il s’agit en règle générale de jeunes gens entre 20 et 40 ans. Les femmes sont trois fois plus touchées que les hommes. Shoshana Pezaro et Emma Rogan ont été toutes les deux diagnostiquées durant leur vingtaine.

Gros plan sur les PME et les indépendants

Shoshana Pezaro a donné l’exemple d’un ami atteint de la sclérose en plaques qui a pu garder son emploi au sein d’une grande entreprise énergétique, grâce à l’attitude bienveillante de la société. Par exemple, la société lui a donné la possibilité d’avoir des horaires flexibles et a fait en sorte qu’elle ne soit pas loin des toilettes d’une part, et de la fenêtre d’autre part, afin qu’elle n’ait pas trop chaud.

« Elle n’a besoin d’aucune adaptation matérielle [de son lieu de travail], mais elle sait que, si elle devait avoir besoin d’un grand écran, ils prendraient en compte ses besoins et seraient disposés à en discuter. Elle ne craint même pas de perdre son emploi. Elle a l’impression que son travail est valorisé, » indique Shoshana Pezaro.

Emma Rogan ajoute que garder un employé qui a la sclérose en plaques ne se limite pas à une bonne action pour la personne atteinte.

« Quand le bruit court que vous êtes un employeur qui prend ces aspects en considération, c’est très bon pour les affaires et ça permet d’ouvrir un tout nouveau marché, » assure-t-elle.

Mais alors qu’une grande entreprise énergétique britannique a la capacité de garder un employé atteint de sclérose en plaques, Shoshana Pezaro affirme que le vrai problème au sein de l’UE est le manque de soutien du côté des gouvernements auprès des petites et moyennes entreprises (PME). Elles emploient pourtant environ 80 % de la main-d’œuvre au sein de l’UE.

Alors que l’UE a établi une stratégie pour l’emploi des jeunes, qui permet aux États membres de lever des fonds, il reste à savoir à combien s’élèvera la part consacrée aux jeunes handicapés.

« Si l’une des personnes qui travaillent pour moi est atteinte de la sclérose en plaques et est subitement absente, j’aurais alors à faire face à de sérieuses difficultés financières pour continuer à maintenir l’entreprise à flots. Il n’y a aucune aide en place pour les petites entreprises, si une personne tombe malade, » déplore Shoshana Pezaro.

Les professions indépendantes sont une autre manière pour les gens atteints de sclérose en plaques de pouvoir travailler dans le domaine qui les passionne, selon elle. Mais si elle avait été diagnostiquée avant d’avoir lancé son entreprise, elle n’aurait pas pu obtenir l’assurance commerciale et les prêts ainsi que se permettre d’avoir des découverts.

« Les banques auraient simplement dit non, » selon elle. « Pour soutenir les individus capables de travailler sous le statut d’indépendant et de lancer leur propre entreprise, nous devons vraiment examiner les moyens de financement de tels projets et où de telles aides pourraient être trouvées, afin que les gens puissent jouir d’un traitement équitable. »

La question des quotas

Alors que les autres groupes de personnes handicapées ont réclamé la mise en place de quotas afin d’obliger les sociétés à les embaucher et afin de s’assurer que les centres pour la recherche d’emploi fassent de ce principe une priorité, la mise en place d’un tel système inquiète Shoshana Pezaro.

« Imaginons, je pourrais être obligée à prendre un emploi qui ne me conviendrait pas. Ce serait démoralisant et terrible. [Ce serait] le reniement de mes compétences et de mon talent. C’est ce dont j’ai peur. D’un autre côté, je peux voir comment [ce système de discrimination positive] pourrait avoir des effets bénéfiques en contraignant les gens à aider les personnes handicapées à trouver un emploi. Je serais juste inquiète que ce ne soit pas pour des emplois [qui leur seraient] adaptés, » souligne-t-elle.

Sur la question des quotas, Emma Rogan donne l’exemple de la sous-représentation des femmes dans la politique, alors qu’elles représentent la moitié de la population.

« Aussi longtemps qu’un traitement équitable n’est pas de mise, il est nécessaire d’imposer des quotas. Quand il s’agit de personnes handicapées et de quotas pour l’emploi, je pense qu’en règle générale, ils peuvent être utiles. Cependant, il doit y avoir des dispositifs mis en place pour le suivi. Si une personne handicapée possède une expérience, des qualifications et des compétences dans un domaine précis, mais qu’elle se voit offrir un emploi qui n’a rien à voir, ce système ne sera bénéfique pour personne, » prévient-elle.

 

EurActiv a interrogé plusieurs eurodéputés du Parlement européen, qui ont abordé à la question de la sclérose en plaques et de l’emploi, en vue de déterminer ce que l’UE pourrait faire afin d’assurer un emploi pour les jeunes atteints de cette maladie. Aucun d’eux n’a souhaité répondre.

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