Option « chaise » on oublie!
Option « chaise » on oublie!
L’arsenal thérapeutique actuel permet de stabiliser la forme «classique» de la sclérose en plaques. Les patients ne finissent plus leurs jours dans une chaise roulante.
Frappant en majorité les jeunes adultes, la sclérose en plaques (SEP) est loin d’être rare. On diagnostique environ un nouveau cas chaque jour en Suisse.
Autrefois synonyme de chaise roulante, la SEP «classique» perd du terrain face à l’obstination des chercheurs. Les nouveaux médicaments permettent de freiner de façon significative la progression du mal. Deuxième volet de notre dossier, avec le Prof. Joseph Ghika, neurologue au CHUV à Lausanne et au RSV à Sion.
Pour mémoire, qu’est-ce que la SEP?
Une maladie auto-immune chronique du système nerveux central. Les globules blancs du malade attaquent la gaine de myéline qui enrobe les fibres nerveuses du cerveau et de la moelle épinière. Il y a déclenchement d’un processus inflammatoire, se traduisant par des lésions – les fameuses «plaques». L’influx nerveux est ralenti, voire stoppé. Dans la forme «classique» de la SEP (80% des cas), après la poussée inflammatoire, la myéline se répare. Tant et si bien que les manifestations cliniques du mal régressent. Il existe par ailleurs une forme de SEP, d’évolution d’emblée progressive, sans rémission (10 à 15% des cas), insensible aux traitements actuels.
Quels sont les principaux symptômes de la SEP?
Une remarque d’abord. En faisant une IRM tous les quinze jours, par exemple, les chercheurs ont mis en lumière le fait que l’inflammation «bouge»: la carte des lésions change sans arrêt. Les symptômes, divers et multiples, sont le reflet de cette évolution permanente. L’équation «un nouveau symptôme dix lésions» se vérifie systématiquement.
Plus concrètement?
Le tableau des symptômes est extrêmement varié. On peut observer une grande fatigue, des troubles sensitifs, comme des fourmillements, une paralysie de certains segments du corps, des troubles de la coordination des mouvements, des troubles de la marche et de l’équilibre, des troubles visuels, comme une baisse de la vision, une vision double, des troubles sphinctériens, ou encore une paralysie sur le visage.
Que se passe-t-il au niveau psychique?
Dans certains cas, le système cognitif est touché. On observe des troubles de l’attention et de la mémoire, de la façon dont on se «débrouille» et s’organise
dans la vie ou programme son quotidien. Quelque 50% des malades souffrent de dépression, laquelle se traite avec des antidépresseurs. On note aussi de l’euphorie, ou des troubles bipolaires.
Quels traitements engagez-vous contre la SEP elle-même?
D’abord, en phase aiguë, durant une poussée, on administre de la cortisone à haute dose sur quelques jours, rapidement diminuée sur une dizaine de jours,
pour lutter contre l’inflammation et raccourcir la poussée. Cette corticothérapie se fait par voie intraveineuse, en général à l’hôpital, ou plus rarement, car moins efficace, par la bouche uniquement.
La cortisone prévient-elle une nouvelle poussée inflammatoire?
Non. A cette fin, il faut déployer un traitement de fond.
En quoi consiste-t-il?
Premièrement, nous disposons depuis une vingtaine d’années des interférons et du glatiramère. Ils ont pour but d’empêcher le démarrage du processus inflammatoire auto-immun dans le système nerveux central. En deuxième lieu, il existe une nouvelle génération d’immunosuppresseurs, comme le natalizumab.
Son objectif: empêcher les globules blancs d’envahir la substance blanche du système nerveux central pour y «dévorer» la myéline. Il est plus efficace (80%
des poussées sont prévenues), mais avec un risque de réveiller des virus dormants.
Quel est le bénéfice du traitement de fond pour le malade?
Un bénéfice substantiel. Grosso modo, les premiers interférons et le glatiramère ont permis de réduire de 30-40% le nombre de poussées inflammatoires. Les
nouveaux immunosuppresseurs par la bouche qui vont arriver diminuent de 60-70% le nombre des poussées: la maladie peut être stabilisée beaucoup plus longtemps.
Avec quel bémol à la clé?
Le traitement par interférons est assez lourd: il se fait par injection. Chez certains malades, il se solde par un état dit «pseudo-grippal». Le glatiramère ne le fait pas. Des allergies cutanées peuvent exister pour les deux. Les nouveaux immunosuppresseurs se prennent sous forme de gélule, ils sont censés être plus faciles à supporter. Ils ont toutefois un talon d’Achille: ils peuvent activer des germes «dormants», qui restent normalement tapis sans bouger dans
l’organisme, comme des herpès. C’est un effet secondaire rare. Pour le natalizumab, un cas pour 15 000 patients peut voir se réveiller un virus «dormant»particulièrement virulent. Mais alors, le remède devient pire que le mal. D’après l’industrie pharmaceutique, «aucun malade ne finit plus dans une chaise roulante». Effet marketing ou réalité?
C’est vrai sans être absolu pour la SEP classique. On arrive à stabiliser la maladie, le patient a un risque largement plus faible de se retrouver en chaise
roulante. Les personnes souffrant de SEP que vous voyez aujourd’hui sur un fauteuil roulant ont hélas souvent contracté le mal avant l’apparition de la panoplie thérapeutique actuelle, ou alors ont une forme de SEP d’emblée progressive.
Où en est la recherche?
Elle avance énormément dans le domaine des facteurs déclenchant la maladie. Elle identifie de mieux en mieux tous les échelons de la cascade immunitaire.
Cela doit permettre la fabrication de nouvelles molécules «bloquantes», par exemple des anticorps monoclonaux intervenant contre les modulateurs de l’immunité. Une autre voie vise à mettre au point des bi – ou des trithérapies, sur le modèle de médicaments anti-sida. En outre, vu que les nouveaux immunosuppresseurs peuvent activer des germes «dormants», les chercheurs planchent sur des tests dépistant lesdits germes chez les patients qui en sont porteurs afin de trouver des parades pour éviter ces problèmes.
Existe-t-il une prévention quelconque contre la SEP?
Rien qui ne serait prouvé.
Sait-on pourquoi la SEP frappe davantage les femmes que les hommes?
Non. Les hormones sexuelles jouent sans doute un rôle: on le sait par la protection que donne la grossesse. Mais le pourquoi et le comment demeurent
encore un mystère.
source : le nouvelliste.ch – BERNARD-OLIVIER SCHNEIDER