Résultats d’une thèse publiée au sujet de la composante génétique de la SEP
Résultats d’une thèse publiée, au sujet de la composante génétique de la SEP
Ce billet a été publié dans le cadre de l’opération Têtes Chercheuses, qui permet à des étudiants ou chercheurs de grandes écoles, d’universités ou de centres de recherche partenaires de promouvoir des projets innovants en les rendant accessibles, et ainsi participer au débat public.
La sclérose en plaques (SEP) est une maladie chronique inflammatoire affectant environ 80.000 personnes en France et entre 2 et 2,5 millions dans le monde. Première cause de handicaps moteurs du jeune adulte, après ceux consécutifs à un accident, elle touche le cerveau, la moelle épinière et les nerfs optiques. Elle est la conséquence d’une attaque incontrôlée par le système immunitaire de la gaine de myéline entourant les fibres nerveuses. Cette gaine, nécessaire à la propagation du signal nerveux, est alors détruite, entrainant l’apparition de certains symptômes tels que des troubles de la vue, une faiblesse musculaire ou des engourdissements (Figure 1).
Une étude de 2005 a estimé à 12,5 milliards d’euros le coût de la prise en charge des patients en Europe[1]. La fréquence de la SEP, son impact socio-économique et l’absence de traitement curatif font de cette maladie un enjeu majeur de santé publique pour les années à venir.
Une maladie multifactorielle
Bien que la maladie soit décrite depuis plus d’un siècle, ses causes sont peu connues. Il s’agit d’une maladie multifactorielle, qui se développe chez des sujets génétiquement prédisposés, après exposition à un ou des facteurs environnementaux. Bien que le risque de développer la maladie augmente suivant le degré de parenté avec un individu atteint, la SEP n’est pas une maladie héréditaire, elle ne se transmet pas des parents à leurs enfants. Quelques facteurs environnementaux (ensoleillement, virus, tabac) sont suspectés d’être impliqués dans la prédisposition à la maladie mais aucun n’a, à l’heure actuelle, été identifié de manière certaine[2]. En revanche, la recherche des facteurs génétiques de prédisposition, longtemps peu fructueuse, est en plein essor depuis quelques années. Au cours de mon doctorat, j’ai participé à différents projets dans le but d’identifier la part de prédisposition non encore identifiée.
Une maladie complexe
Le patrimoine génétique est constitué d’une succession de 3,2 milliards de lettres, les fameuses A, C, G et T. La différence entre deux individus pris au hasard dans la population se fait sur 0,1% du génome, soit environ 3 millions de lettres. Certaines de ces différences sont dues à des « variants », les SNPs (Single NucleotidePolymorphisms) (Figure 2), qui résultent de la possibilité d’avoir, à une position donnée du génome, un choix de 2 lettres ou « allèles ».
Dans le cas des maladies complexes comme la SEP, plusieurs de ces SNPs auraient un des deux allèles plus présent dans la population de patients que dans la population d’individus sains. Ces SNPs constituent alors des facteurs génétiques associés à la prédisposition à la maladie. Chaque facteur pris individuellement ne confère qu’un très faible risque de développer la maladie. En revanche, l’interaction entre plusieurs de ces facteurs de risque prédispose génétiquement à la maladie.
L’étude génétique de cette maladie enfin possible
L’identification de tels facteurs nécessitent d’analyser des milliers de patients et d’individus sains. Jusqu’au début des années 2000, les outils à disposition des chercheurs ne leur permettaient pas de faire ces études à grande échelle. La publication des premières études à larges échelles dans la SEP[3]a été permise grâce à l’avènement des puces de génotypage. Ces puces permettent en une seule expérience de déterminer les lettres (de « génotyper ») d’un grand nombre de SNPs – 5 millions à l’heure actuelle – pour plusieurs individus. En 2011, l’International Multiple Sclerosis Genetics Consortium (IMSGC) a publié une étude au cours de laquelle ont été analysés plus de 450.000 SNPs répartis tout le long du génome, de près de 10.000 patients et plus de 17.000 individus sains. Elle a permis d’identifier de manière certaine 52 variants de prédisposition génétique à la SEP, en plus d’un gène du complexe HLA, identifié dès 1972[4]. Au cours de mon doctorat, j’ai entrepris de continuer le travail commencé.
Des résultats prometteurs
Au sein de l’IMSGC, j’ai collaboré à plusieurs projets visant à identifier de nouveaux facteurs de prédisposition. La puce de génotypage « Immunochip » possède près de 200.000 SNPs d’intérêts pour au moins une maladie à composante immunitaire comme la SEP, le psoriasis, la maladie de Crohn… Près de 15.000 patients atteints de SEP et plus de 24.000 sujets sains ont été génotypés sur cette puce. J’ai pris en charge les échantillons français (500 patients et 500 individus sains). Cette étude a finalement permis de porter à 110 le nombre de facteurs génétiques associés à la prédisposition et d’expliquer environ 20% de la part génétique de la maladie[5].
Des pistes vers la prédiction de la maladie?
Une autre partie de mes travaux s’est attachée à étudier la « charge génétique » des individus. Plus l’individu possède d’allèles à risque, plus il possède une « charge génétique » importante et plus il est, en principe, prédisposé génétiquement à développer la maladie. En prenant en compte les variants de risque associés à la prédisposition à la SEP, nous pouvons attribuer à chaque individu un « score » de charge génétique unique. Le projet MSGB (Multiple Sclerosis Genetic Burden) a permis d’analyser, pour 64 variants de prédisposition, 809 familles multi-cas (composée d’au moins deux individus atteints et apparentés au premier degré), 2013 familles simple-cas (ayant un seul individu atteint) et 708 individus sains. Il a été mené en collaboration avec le Dr. Pierre-Antoine Gourraud, spécialiste en génétique de la SEP à l’University of California à San Francisco et une équipe de Cambridge (Angleterre). À l’échelle de la France, j’ai génotypé 134 familles multi-cas et 417 familles simple cas. Cette étude révèle une plus forte « charge génétique » chez les individus des familles multi-cas par rapport aux familles simple-cas. Une différence a été observée entre les patients et les individus sains ainsi que dans les familles multi-cas, entre les patients et leurs frères et sœurs non atteints. Pour autant, ces différences ne permettent pas, encore, de faire de la prédiction[6].
À ce jour, les facteurs génétiques de prédisposition connus permettent une meilleure compréhension des mécanismes biologiques en jeu dans la maladie et soulignent le rôle important joué par le système immunitaire. Leur connaissance ouvre des pistes pour le développement de futurs traitements. La recherche sur la sclérose en plaques réserve encore bien des surprises…
L’IMSGC
L’International Multiple SclerosisGenetics Consortium (IMSGC) s’est formé en 2003 dans le but de conjuguer les efforts matériels, humains et financiers permettant la recherche génétique sur la sclérose en plaques. Il se compose de généticiens et de spécialistes de cette maladie provenant deplus de 30 équipes de recherche et 16 pays à travers le monde.L’équipe du Pr. Bertrand Fontaine du CRICM (Centre de Recherche de l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière) en fait partie. Par ailleurs, le Réseau français d’étude génétique sur la sclérose en plaques (REFGENSEP), constitué de médecins et de chercheurs français, collecte l’ADN de patients et d’individus sains et le met à disposition de la communauté scientifique.
Références :
1. Sobocki P, Pugliatti M, Lauer K, Kobelt G (2007) Estimation of the cost of MS in Europe: extrapolations from a multinational cost study. Mult Scler 13: 1054-1064.
2. Milo R, Kahana E (2010) Multiple sclerosis: geoepidemiology, genetics and the environment. Autoimmun Rev 9: A387-394.
3. Gourraud PA, Harbo HF, Hauser SL, Baranzini SE (2012) The genetics of multiple sclerosis: an up-to-date review. Immunol Rev 248: 87-103.
4. IMSGC, WTCCC2, Sawcer S, Hellenthal G, Pirinen M, et al. (2011) Genetic risk and a primary role for cell-mediated immune mechanisms in multiple sclerosis. Nature 476: 214-219.
5. International Multiple Sclerosis Genetics C, Beecham AH, Patsopoulos NA, Xifara DK, Davis MF, et al. (2013) Analysis of immune-related loci identifies 48 new susceptibility variants for multiple sclerosis. Nat Genet.
6. Isobe N, Damotte V, Lo Re V, Ban M, Pappas D, et al. (2013) Genetic burden in multiple sclerosis families. Genes Immun.
A propos de l’auteur :
Vincent Damotte a soutenu sa thèse en septembre 2013 et obtenu un Doctorat de génétique à l’UPMC. Il a effectué sa thèse au sein du laboratoire « NeuroGénétique et Physiologie » à l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (ICM) à Paris. Ses travaux ont porté sur la génétique de la sclérose en plaques et ont été réalisés sous la direction du Pr. Bertrand Fontaine et du Dr. Isabelle Cournu-Rebeix. En parallèle à sa thèse, Vincent Damotte a également suivi un MBA en management dans le cadre du programme doctoral « Science & Management » proposé conjointement par le Collège Des Ingénieurs et l’UPMC. Dans le cadre de ce MBA, il est actuellement consultant auprès de la société Sanofi.
_La thèse est disponible ici :
{jcomments off}