Une fatigue indescriptible
Comment vivre avec une sclérose en plaques ? En prélude à la journée mondiale de mercredi, deux patients témoignent.
En septembre 2005, Patrice, un Nancéien alors âgé de 43 ans, achète une nouvelle paire de chaussures. Rien de plus banal, mais le premier soir après les avoir portées, il ressent « des fourmis dans les pieds. J’ai pensé que mes chaussures étaient trop serrées ». Même constat le jour suivant, mais les fourmillements ont gagné les genoux. Puis le thorax. Patrice, qui exerce une profession libérale, s’inquiète et consulte son médecin généraliste, puis, après un doppler, un rhumatologue qui l’envoie vers un neurologue. L’IRM ne permet pas de poser un diagnostic définitif mais il n’excluait pas « une infection inflammatoire démyolinisante », autrement dit une sclérose en plaques. Le diagnostic définitif sera posé le 6 décembre, trois mois plus tard. « Cela a été la fin du questionnement, pour moi ». « J’en ai rêvé »
Vanessa, 24 ans, s’aperçoit un matin qu’un de ses deux yeux ne voit plus. Elle consulte d’urgence son ophtalmologiste. « Mon œil n’avait rien, mais le médecin a pensé à une sclérose en plaques qui provoque ce genre de symptômes ». Un neurologue la reçoit en urgence et le diagnostic tombe au bout de six mois d’examens.
« Avant d’annoncer avec certitude le diagnostic, il faut attendre deux poussées », explique Marc Debouverie, professeur de neurologie au CHU de Nancy.
Les deux exemples démontrent que cela peut prendre plusieurs mois, soit autant d’angoisse et d’inquiétude pour les personnes impliquées. « Bien sûr, je me suis demandé pourquoi moi. Puis j’ai compris que c’était la faute à pas de chance. Mais j’en ai rêvé toutes les nuits pendant plusieurs mois », confie Patrice.
« Au début, cela ne m’a pas fait grand-chose, j’ai eu plus peur pour mon entourage », se souvient Vanessa. « On commence par lire beaucoup sur la maladie, on va sur les forums et on découvre des témoignages qui sont pires que les nôtres. De toute façon, il n’y a pas de réponses à nos questions », assure la jeune femme, bientôt maman. « J’ai eu de la chance d’avoir cette maladie à 43 ans, cela m’a permis de faire des études et de travailler », relativise Patrice.
Des crises invalidantes
La maladie neurologique agit par poussées et se caractérise, entre autres, par des « grosses fatigues. Ces épisodes sont durs à vivre. La fatigue est indescriptible, on peut parler d’un épuisement total durant de deux heures à trois semaines. On se sent vide », indique Patrice. Pendant les crises, il est très difficile de travailler. « On cherche des stratégies pour gérer la situation. On renonce et on choisit ce que l’on fait ou pas », détaille Vanessa. Patrice, qui enchaîne des longues journées d’occupation professionnelle, a décidé de « travailler moins longtemps dans la journée mais je compense en travaillant le samedi et le dimanche ».
Les formes de sclérose en plaques dont sont atteints Patrice et Vanessa provoquent des poussées qui guérissent. Ils bénéficient de traitements qui s’affinent au fil des découvertes. « Jusqu’en 1995, il n’existait pas de traitement. Nous partions de rien », rappelle le professeur Debouverie, « Maintenant, il y a beaucoup d’essais thérapeutiques. Mais les traitements sont efficaces si on les administre tôt, afin d’empêcher la formation de nouvelles plaques, après c’est trop tard ».
Le but des nouveaux traitements est de rendre chronique cette affection en offrant un réel confort de vie aux patients.{jcomments off}