Une nouvelle piste thérapeutique prometteuse pour lutter contre les maladies auto-immunes (dont la SEP)

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Lorsque l’on est en bonne santé, notre système immunitaire nous protège en attaquant et en éliminant les bactéries, virus ou autres agents pathogènes qui pénètrent dans notre organisme. Mais chez les personnes atteintes d’une maladie auto-immune, les globules blancs considèrent les cellules et tissus de l’organisme comme une menace et cherchent à les éliminer.

Ce sont des maladies particulièrement complexes, qui pour la plupart, restent incurables. Des chercheurs ont toutefois trouvé le moyen d’empêcher le système immunitaire d’attaquer les nerfs, un phénomène qui se produit dans le cas d’une sclérose en plaques.

La sclérose en plaques (SEP) est une maladie neurologique due à une réaction auto-immune ; l’organisme considère la myéline – la gaine protectrice qui entoure les nerfs – comme un corps étranger, qu’il faut éliminer. Au fil du temps, les lésions provoquent des perturbations motrices, sensitives et cognitives, qui peuvent mener à un handicap irréversible. En France, la maladie touche près de 100’000 personnes, majoritairement des femmes (3 femmes pour un homme) ; dans 90% des cas, les premiers symptômes apparaissent entre 25 et 35 ans.

Quand les globules blancs se trompent de cible

Dans un système immunitaire sain et fonctionnel, les lymphocytes T parviennent à reconnaître les différentes parties des molécules produites par des agents pathogènes (les antigènes) ; dès que ces derniers sont identifiés, ces cellules T se multiplient afin de passer à l’attaque. Ainsi, très rapidement, les cellules T passent d’un état de « repos » à un état d’activité intense, via l’activation de gènes spécifiques, associés à la réponse immunitaire.

Lorsque l’infection est terminée, une partie de ces cellules T perdurent (on parle de « cellules T mémoire »), ce qui confère une immunité à vie à l’individu concerné. Ces cellules T persistantes sont capables de transporter cette « mémoire permanente » en ajoutant à nos chromosomes des déclencheurs, qui permettent aux gènes impliqués dans la réponse immunitaire d’être réactivés beaucoup plus rapidement si l’antigène se représente.

Mais dans le cas de maladies auto-immunes telles que la SEP ou le diabète de type 1, le système immunitaire se trompe de cible. Dans le cas du diabète de type 1, les lymphocytes T identifient les cellules bêta du pancréas – qui produisent l’insuline – comme étant des cellules étrangères ; il faut donc pallier ce manque d’insuline. Dans le cas de la SEP, ils voient la protéine basique de la myéline comme un antigène ; les malades perdent peu à peu le contrôle de leurs muscles.

Il n’existe à ce jour aucun traitement curatif pour la SEP. Les thérapies traditionnelles visent à diminuer la réaction inflammatoire et de ce fait, ralentissent l’évolution de la maladie. Le problème de ces médicaments, des immunosuppresseurs, est qu’ils altèrent l’ensemble du système immunitaire. Par conséquent, l’organisme devient vulnérable à toute sorte d’infections. En 2014, l’équipe de David C. Wraith, directeur de l’Institut d’immunologie et d’immunothérapie de l’Université de Birmingham, a mené des recherches sur les moyens de combattre l’auto-immunité et la réaction allergique.

Ils ont montré à l’époque qu’il était possible de le faire en rétablissant la tolérance immunologique aux antigènes cibles. En d’autres termes, il faut « habituer » le système immunitaire à la présence des cellules saines, qu’il prend pour des pathogènes (un peu à la manière des procédures de désensibilisation proposées aux personnes allergiques). Pour ce faire, les chercheurs ont rapporté qu’il fallait soumettre les défenses immunitaires à des doses croissantes des molécules ciblées.

Ils ont récemment poussé plus avant leurs recherches, afin de comprendre comment fonctionne le processus à l’intérieur même des globules blancs (ou leucocytes), qui constituent les défenses de l’organisme. Ils révèlent aujourd’hui dans une nouvelle étude qu’ils sont parvenus à rendre les cellules T (qui sont un type de globules blancs) tolérantes dans le cas d’une maladie auto-immune. Comment ? Ils ont réussi à exploiter les mécanismes qui se déroulent au sein de ces cellules T pour inverser leur rôle, les faisant passer d’« attaquantes » à « protectrices ».

Une « reprogrammation » génétique

Les chercheurs se sont intéressés en particulier aux cellules T qui reconnaissent spécifiquement la protéine basique de la myéline comme antigène. Après les avoir exposées à des doses progressives de cette protéine, ils ont constaté que les cellules T étaient devenues moins réactives en sa présence. Ces cellules ont été comme « reprogrammées », de telle sorte que les signaux leur indiquant d’attaquer cette protéine de myéline sont devenus plus faibles.

L’équipe de Wraith explique ce phénomène par le fait que notre système immunitaire est régulé par deux types de gènes : l’un sonne l’alerte pour lancer l’attaque, l’autre fait taire nos défenses pour empêcher le système de devenir incontrôlable. Or, lorsque les cellules T deviennent plus tolérantes, il se trouve que ces deux gènes chargés de réguler le système immunitaire ont été reprogrammés au niveau du chromosome pour les maintenir actifs.

En l’occurrence, l’activation des gènes de réponse immunitaire est supprimée, tandis qu’une exposition répétée à la protéine basique de la myéline a en quelque sorte imprimé une mémoire au sein des gènes inhibiteurs, qui a diminué leur seuil d’activation. Cela a permis aux lymphocytes T de se rappeler de ne pas lancer de signal d’attaque lorsqu’ils ont rencontré ce même fragment de protéine. Et finalement, l’activation des gènes inhibiteurs a permis d’affaiblir les signaux d’alerte au sein des cellules T : elles ont cessé de recevoir le signal leur disant d’attaquer les cellules nerveuses !

Source : https://www.nature.com/articles/ncomms5741

+ d’infos : Cell, David C. Wraith et al. Pdf : https://doi.org/10.1016/j.celrep.2020.107748

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