Des avancées contre les formes chroniques

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Le professeur de neurologie Thibault Moreau nous aide à faire le point sur les avancées autour de la sclérose en plaques, première cause de handicap chez l’adulte jeune.
Cent mille personnes touchées en France d’après les dernières données de la Sécurité sociale, avec des symptômes qui démarrent entre 20 et 35 ans pour les deux tiers des malades: la sclérose en plaques (SEP), une maladie du système nerveux central responsable de multiples séquelles, est la première cause de handicap des jeunes adultes. À l’occasion de la Journée mondiale ce mercredi, le point sur les avancées autour de cette maladie avec le Pr Thibault Moreau, chef du service de neurologie au CHU de Dijon et responsable du comité scientifique de la Fondation pour l’aide à la recherche sur la sclérose en plaques (Arsep).
Une maladie qui se féminise

«On observe quelque chose d’extraordinaire partout dans le monde: la sclérose en plaques concerne proportionnellement de plus en plus de femmes», s’étonne le Pr Thibault Moreau. Si dans les années 1950, la maladie touchait 2 femmes pour 1 homme, le ratio est désormais de 3 femmes pour 1 homme. «Il y a plusieurs hypothèses pour expliquer ce phénomène, précise le neurologue. Facteurs hormonaux notamment avec les grossesses de plus en plus tardives, alimentation, changement de style de vie…»
Des causes mystérieuses

Si l’on comprend de mieux en mieux le décours de la sclérose en plaque, ses causes restent encore mal connues. La SEP est une affection de la myéline, la gaine qui isole les nerfs et permet à l’influx nerveux d’être transmis rapidement. Or cette rapidité de la transmission de l’information est cruciale: grâce à elle, nous sommes capables d’exécuter des mouvements rapides sans que cela ne semble représenter un effort, et de les coordonner entre eux sans «cafouillage» intempestif. Dans la SEP, la myéline disparaît à certains endroits du cerveau et de la moelle épinière, laissant des zones cicatricielles en forme de plaques.
«Il y a deux étapes dans la SEP, précise le Pr Moreau: pour 85% des malades, cela commence par une forme rémittente, c’est-à-dire par poussées: tous les deux ans environ, on observe une baisse de l’acuité visuelle à un œil, de la fatigue, des fourmillements, etc… Dans cette forme rémittente, le système immunitaire “boulotte” la myéline et cela donne des inflammations localisées. Puis, après 15 ans environ chez la moitié des patients, une forme progressive de la SEP s’installe: l’inflammation est plus diffuse, et le mécanisme relève plutôt d’un processus neurodégénératif. Jusqu’à récemment on n’avait rien à proposer aux personnes atteintes de cette forme de SEP.»
Concernant les causes de la maladie, plusieurs caractéristiques font penser à une maladie auto-immune, avec un système immunitaire qui s’emballe et s’attaque à l’organisme. D’aucuns pensent qu’un virus pourrait perturber le système immunitaire. «Nous avons désormais beaucoup d’arguments pour penser que le virus d’Epstein-Barr, en cause dans la mononucléose infectieuse, intervient dans la susceptibilité à la maladie, surtout si des symptômes cliniques de l’infection virale sont apparus», explique le Pr Moreau. Une certitude en revanche: «Le tabac est un facteur de risque, et il aggrave la maladie chez les patients qui continuent à fumer.»
Recherche: le grand bond en avant

«Ces dernières années ont vu de vraies avancées thérapeutiques, et tous les traitements nouveaux sont dérivés de la recherche», se réjouit le Pr Moreau. Longtemps, les médecins utilisaient essentiellement des médicaments à visée inflammatoire pour lutter contre les symptômes de la maladie lors des poussées, mais ils étaient assez démunis lorsque la SEP devenait chronique. «Depuis une quinzaine d’années, plusieurs types de médicaments qui luttent contre l’inflammation focale en cause dans la forme rémittente nous permettent de supprimer, à la maison, environ 60% des poussées. Cela a transformé la vie des malades! Et d’autres produits arrivent pour les formes explosives de poussées, notamment l’alemtuzumab et l’ocrelizumab, dont on peut espérer qu’ils soient commercialisés d’ici à un an.»
Un vieux médicament révolutionnaire

Contre la forme chronique de la maladie, le Pr Moreau évoque une «véritable révolution, avec deux molécules qui ont montré une certaine efficacité».

Le premier est un vieux produit, la biotine (aussi appelée Vitamine B8), utilisée pour stimuler la repousse des cheveux. À très forte dose, «elle agit sur les mitochondries et augmente le potentiel énergétique des neurones pour favoriser la remyélinisation», explique Thibault Moreau. Selon une étude récemment présentée, elle permettait d’améliorer la mobilité de 15% des patients à 2 ans. «C’est un résultat très modeste, mais conceptuellement c’est intéressant car on a là un mécanisme d’action et un angle d’attaque très différents de ce qui était disponible jusque-là.» La biotine à forte dose ne dispose pas encore d’une autorisation sur le marché (AMM) et est actuellement délivrée par le biais d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) à environ 2000 patients en France.
Déjà cité, l’ocrelizumab délivré par perfusion tous les six mois pourrait aider «les 15% de patients qui ont d’emblée des formes progressives de la maladie». Ce produit, qui empêche les lymphocytes B de s’attaquer à la myéline, est encore en cours d’essais thérapeutiques. «La tolérance et la sécurité semblent être bonnes mais il faut continuer à surveiller. Pour l’efficacité, dans les essais qui ont été menés, la progression du handicap était moindre que chez ceux qui avaient reçu le placebo», note le Pr Moreau.
Des SEP qui n’en sont plus

«Il y avait dans la sclérose en plaques des maladies qui étaient considérées comme apparentées, mais ne le sont finalement pas tant que ça», note le neurologue. Notamment les «neuro-optico-myélites», une affection inflammatoire démyélinisante qui touche la moelle épinière et les nerfs optiques. Des biomarqueurs sanguins ont été mis en évidence pour distinguer cette famille de maladies de la SEP, avec un enjeu crucial: «Les stratégies de traitement sont très différentes», et un diagnostic (donc un traitement) inadapté influence beaucoup le pronostic de la maladie.

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