Amélioration possible de la fonction cognitive des personnes atteintes de sclérose en plaques cyclique grâce à l’exercice
Contexte :
Les troubles cognitifs comptent parmi les symptômes les plus invalidants de la sclérose en plaques. Or, on estime qu’ils surviennent chez plus de la moitié des personnes atteintes de SEP, au cours de la maladie. Cette altération de la fonction cognitive peut se traduire par des troubles d’apprentissage et de la mémoire ainsi que par une détérioration des fonctions exécutives, telles la planification ou la prise de décisions, la concentration, l’exécution de plusieurs tâches à la fois et la résolution de problèmes.
Les personnes présentant des troubles cognitifs peuvent voir leur qualité de vie et leur autonomie diminuer considérablement, tout en sachant très bien que les options thérapeutiques contre ce type de symptômes sont rares. De fait, il n’existe actuellement aucun médicament efficace contre les troubles cognitifs chez les personnes atteintes de SEP, et les programmes de réadaptation cognitive ont connu plus ou moins de succès jusqu’ici.
Cela dit, l’activité physique s’avère une stratégie prometteuse émergente dans la prise en charge du dysfonctionnement cognitif chez les personnes atteintes de SEP. Selon les études menées jusqu’à présent, certains types d’exercices peuvent améliorer la fonction cognitive, tant dans la population en général que chez les personnes présentant un déficit neurologique causé par un accident vasculaire cérébral, un traumatisme crânien ou la schizophrénie. Trois essais cliniques comparatifs ont été effectués auprès de personnes atteintes de SEP. Ils visaient à mesurer l’effet de l’exercice sur certains aspects de la fonction cognitive. Les résultats ne furent toutefois pas toujours probants, ce qui est partiellement attribuable au fait que les types d’exercices et leur intensité n’étaient pas les mêmes dans toutes les études, rendant ainsi leur comparaison difficile.
Une étude présentée dans la revue Journal of Clinical and Experimental Neuropsychology par le Dr Robert Motl et ses collaborateurs a porté sur les effets à court terme de divers types d’exercices aérobiques et non aérobiques sur la performance cognitive des personnes atteintes de SEP cyclique (poussées-rémissions).
Description de l’étude :
Cette étude a été menée auprès de 24 personnes présentant une SEP cyclique. Une évaluation de l’incapacité des participants a été réalisée à l’aide de l’Échelle élaborée d’incapacité de Kurtske (EDSS); les personnes admissibles devaient pouvoir marcher sans aide ou avec une aide minimale (canne ou béquilles) afin d’être capables de participer au programme d’exercices prévu.
Les chercheurs ont fait passer le modified-flanker test (tâche de « flanker » modifiée – cliquer ici pour effectuer ce test – en anglais) à tous les participants afin de mesurer leur temps de réaction et leur exactitude dans la reconnaissance d’objets présentés au hasard et flanqués d’éléments utiles ou distrayants. En d’autres mots, les chercheurs ont pu évaluer le degré d’attention des participants et l’aptitude de ces derniers à accomplir certaines fonctions exécutives (p. ex. leur capacité à faire abstraction de l’information non liée à la tâche).
La procédure comprenait cinq séances hebdomadaires. La première était consacrée à l’établissement du degré d’endurance physique de départ des participants et à la pratique de la tâche de flanker modifiée. Les quatre suivantes commençaient par la pratique de la tâche de flanker modifiée, suivie d’un exercice parmi les trois exercices prévus (marche sur tapis roulant, vélo stationnaire ou yoga dirigé) ou d’une période de repos. Après l’exercice suivi d’un moment de récupération, on demandait aux participants d’effectuer de nouveau la tâche de flanker modifiée pour voir si l’exercice avait permis d’améliorer leurs premiers résultats. À chaque séance, les participants pratiquaient un exercice différent, de sorte qu’à la fin de l’étude, ils avaient accompli les trois exercices au programme, dans un ordre aléatoire.
Résultats :
Après avoir mesuré les effets de chaque exercice sur la performance des participants dans la tâche de flanker modifiée, comparativement à leur performance après une période de repos, les chercheurs ont constaté que la marche sur tapis roulant améliorait le temps de réaction aux stimuli du test mais pas l’exactitude des réponses, comparativement à la période de repos. Le temps de réaction était particulièrement raccourci lors des essais où l’objet ciblé était flanqué d’éléments de distraction.
La pratique du vélo stationnaire et le yoga dirigé ont également permis d’améliorer le temps de réaction sans toutefois améliorer l’exactitude des réponses au test, comparativement à la période de repos. Soulignons toutefois qu’aucune amélioration du temps de réaction n’a été observée lors des essais où l’objet ciblé était flanqué d’éléments de distraction.
Commentaires :
Cette étude montre que plusieurs types d’exercices peuvent améliorer la performance cognitive et l’exécution des fonctions exécutives chez les personnes atteintes de SEP cyclique. La marche sur tapis roulant, en particulier, a semblé produire des effets bénéfiques supérieurs à ceux des autres exercices sur l’attention sélective et le blocage des éléments de distraction. Bien que la raison de ce résultat demeure obscure, les auteurs émettent une hypothèse : les troubles de la locomotion étant très répandus chez les personnes atteintes de SEP, la marche sur tapis roulant pourrait stimuler davantage les régions du cerveau régulant l’attention que la pratique du vélo stationnaire ou le yoga dirigé. L’amélioration des résultats aux tests de performance n’a été observée que dans le temps de réaction aux stimuli et non dans l’exactitude des réponses. Il faut dire que les valeurs de départ quant à l’exactitude des réponses étaient déjà passablement élevées et que, par conséquent, elles ne pouvaient pas être accrues de beaucoup. Cette étude était somme toute limitée, étant donné qu’aucun participant ne présentait de troubles cognitifs. Reste, d’une part, à voir si les personnes atteintes de SEP présentant une altération cognitive peuvent bénéficier de l’exercice physique et, d’autre part, à trouver des façons d’adapter les exercices aux personnes très handicapées.
Les résultats de cette étude viennent enrichir la documentation de plus en plus abondante sur l’influence de l’activité physique sur la neuroplasticité du cerveau, tant dans la population en général que chez les personnes qui vivent avec la SEP. Alors que la majeure partie de ces travaux portaient sur des moyens de tirer profit de la neuroplasticité pour favoriser la réadaptation physique, une nouvelle voie de recherche s’est ouverte, à savoir le recours à l’exercice pour améliorer la fonction cognitive. Consultez le blogue sur la recherche (en anglais) pour en apprendre davantage sur la neuroplasticité dans le contexte de la SEP.
Source : SANDROFF, B. M. et coll. « Acute effects of walking, cycling, and yoga exercise on cognition in persons with relapsing-remitting multiple sclerosis without impaired cognitive processing speed », J Clin Exp Neuropsychol, 2015. 37(2):209-19