J’ai longuement hésité avant de publier cet article… Attention de ne pas y porter trop d’espoir en attendant les résultats (trop beaux pour être vrais?!), mais c’est quand même une put*in de bonne nouvelle pour la recherche.

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Il s’agit d’un article relayé par le site des Echos.be : prenez le temps de le lire… En cliquant sur la vignette « 2016 », vous serez redirigé vers le site américain qui rassemble les essais cliniques en cours. 2016 étant la date à laquelle les résultats de l’étude SCLEROLYM pivot I,II seront publiés.

A la veille du miracle (il faudra attendre quelques années quand même…)

L’essai clinique est sur le point de débuter. En juin. Un seul patient. L’enjeu est énorme. Une maladie réputée incurable pourrait être soignée. Et un vaccin serait possible. Le professeur Jean-Marie Saint-Remy, fondateur de la spin-off ImCyse, est à la veille d’une consécration. Il aura bientôt vaincu la sclérose en plaques.

Un premier patient, pour un essai clinique aussi crucial qu’une thérapie qui guérirait définitivement la sclérose en plaques, ça paraît peu. Mais le défi est gigantesque, et ne peut attendre l’arrivée des futurs patients annoncés.

On imagine la pression. D’abord pour le patient (ou la patiente) en question, qui n’a pas souhaité livrer son témoignage ici. À quoi bon s’exposer maintenant dans la presse? Aussi prometteuse que soit l’expérience, il n’y a pas encore à se vanter d’une victoire, avant qu’ait eu lieu le combat. Mieux vaut arriver avec la bonne nouvelle d’une réussite, d’une guérison!

La première injection du traitement proprement dit aura lieu dans moins d’un mois, en juin. L’heure est à la concentration, aux préparatifs finaux, à la prière…

Et on imagine aussi la pression pour le corps médical qui l’entoure, le médecin de ce (cette) patient(e), le professeur Vincent Van Pesch, neurologue aux cliniques universitaires Saint-Luc. Et surtout pour un autre professeur, Jean-Marie Saint-Remy, celui par qui tout est devenu possible, l’homme de science qui a mis la thérapie au point, avec son équipe d’une petite quinzaine de chercheurs. Nous le retrouvons au bio-incubateur de la KUL, dans les locaux d’ImCyse, la société qu’il a fondée en juillet 2010. ImCyse est aussi installé au Giga du Sart Tilman à Liège. Wallonie, Flandre, Bruxelles, … les trois régions sont impliquées.

L’enthousiasme et l’intensité du moment, c’est dans les yeux de Jean-Marie Saint-Remy que nous les lisons aujourd’hui. Le professeur se sait à un doigt d’une réussite immense. Sa thérapie est révolutionnaire, au sens où l’approche est différente, un peu à la manière de l’œuf de Colomb. Le docteur Saint-Remy n’a pas aménagé ou transformé des outils existants, qui font très bien ce qu’ils ont à faire, dans les limites étroites de leur périmètre. Non, il en a inventé d’autres, d’une autre nature, dans une autre dimension stratégique. Et sa trouvaille lui a permis d’envisager de guérir, d’éliminer définitivement le facteur de maladie, là où l’état actuel de la médecine permet seulement de gérer des symptômes, avec le secours de médications dont les effets secondaires finissent par faire plus de mal que de bien.

Ce que la plateforme technologique d’ImCyse met en œuvre représente un espoir de se débarrasser de la sclérose en plaques, mais aussi d’autres maladies auto-immunitaires. Non seulement d’en guérir, mais aussi de s’en prémunir, car la technique d’ImCyse ouvre aussi la voie à des campagnes de vaccination. « Les traitements classiques de la sclérose en plaques, à base de corticoséroïdes, d’anticorps monoclonaux, de molécules chimiques, ne sont jamais qu’un mauvais compromis entre la prise d’un maximum de médicaments, pour un effet maximum, et un minimum d’effets secondaires indésirables », explique Jean-Marie Saint-Remy. Dépasser la logique du mauvais compromis rendra possible l’impossible.

Dans la cuisine intérieure

Le regard de Jean-Marie Saint-Remy pétille quand il en vient à expliquer la recette magique d’ImCyse. Ici, on entre dans la cuisine intérieure de notre bien-être physiologique ou de notre malheur. Le thème du jour: la sclérose en plaques.

L’origine de cette maladie reste « mystérieuse », explique le professeur, « inflammation, infection, toxicologie,..? » On n’en saura rien, mais il ne faut pas nécessairement en connaître l’origine pour la guérir. L’essentiel est de comprendre le mécanisme et de l’enrayer.

Lentement, pour laisser à son interlocuteur le temps de soupeser chaque pièce, le médecin démonte la machinerie de la sclérose en plaques, avec force schémas. « La maladie attaque la myéline, gaine protectrice des neurones. Celle-ci s’enflamme et, dans ce foyer de troubles, se mue en antigènes, qui sont vus par l’organisme comme des protéines ‘étrangères’. Alerte! Le gendarme immunitaire qui, dans la périphérie de notre corps, veille au grain, en communication permanente avec le centre nerveux des neurones, se réveille. Branle-bas de combat et réactions en sens divers: inflammatoires, destructrices… » Le gendarme perd la tête et finit par détruire sa propre caserne. La maladie auto-immunitaire s’installe. C’est l’escalade, le combat nourrit le combat, l’insurrection s’étend. « Cerveau et moelle épinière subissent des dégâts. La matière grise, centre des connexions, est touchée. La matière blanche aussi, qui règle les émotions, la mémoire, la mobilité… »
« Je est un autre », écrivait Rimbaud dans une formule paradoxale qui a interpellé bien des philosophes, toujours attirés par le tissu de contradictions qui enveloppe l’humanité. Ce paradoxe littéraire, les personnes atteintes d’une maladie auto-immunitaire le vivent dans leur corps, lequel se rebelle par traîtrise, ou plutôt victime d’un énorme malentendu.

Le professeur poursuit: « La première réaction du neurologue, face à la sclérose en plaques, est alors de limiter l’effet boule de neige de l’inflammation, à grands renforts de corticostéroïdes. L’arme est efficace, elle permet de gagner du temps, mais pas sans risques: diabète, cataracte, prise de poids… » La liste des dommages collatéraux laisse dubitatif. Et si l’ennemi est intimidé, il continuera néanmoins son travail de sape.

« La deuxième réaction consiste à agir sur le mécanisme de communication de l’organisme. » Le grabuge étant lié à une erreur d’interprétation des messages chimiques, on peut effectivement bloquer les canaux de transmission des messages. Donc, explique Jean-Marie Saint-Remy, « neutraliser, dans le cerveau, l’action destructrice. La cible est alors la réponse immunitaire. Le principe est d’empêcher la cellule qui porte l’information dangereuse d’atteindre le niveau central. Et dans ce but, on interrompt toute communication. Une solution radicale, à hauts risques, qui entraîne, immanquablement, son lot de dysfonctionnements divers. » Dans cette stratégie casse-cou, où l’on neutralise tout le système immunitaire, les armes sont des anticorps monoclonaux ou une poignée de molécules chimiques. Il en existe six ou sept sur le marché, précise le professeur.

Le troisième scénario – et ici Jean-Marie Saint-Remy pénètre dans sa zone expérimentale –, consiste « à supprimer la seule réponse immunitaire qui s’attaque à la myéline. On ne touche à rien d’autre! » En somme, après le tapis de bombes aveugle, apprendre à viser et abattre le fauteur de troubles et lui seul. La solution radicale, c’est d’organiser ce commando: « Un antigène spécifique à la myéline. Ainsi, aucun danger d’effets secondaires, le système immunitaire est préservé et on ne va jamais trop loin dans le traitement. » Il n’y aura pas de pont trop loin… La nouvelle thérapie d’ImCyse évacue la problématique de l’équilibre instable entre dosages médicamenteux et dommages collatéraux. « Ce n’est pas un rêve, c’est une réalité… »

Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, mais rien ne vaut un dessin. Jean-Marie Saint-Remy saisit son crayon et trace un schéma limpide.

« Ici, se trouve la source de myéline qui, chez la personne atteinte de sclérose en plaques, produit et diffuse des séquences de myélines défectueuses. Ces séquences, une fois lâchées, sont alors détectées comme des protéines étrangères, antigènes, par des ‘guetteurs’, qui circulent, en permanence, à l’affût de tout événement qui se présente. Ce sont les ‘cellules présentatrices d’antigènes’. »

Il dessine ce guetteur, petite cellule sans grade, qui a saisi la petite séquence de myéline et qui la présente gentiment à sa surface, semblant dire à qui veut l’entendre: « Tiens, regarde ce que je viens de ramasser! » Or passe par là une autre cellule, répondant au nom de « lymphocyte T », dont le rôle est justement d’analyser les trouvailles de ces cellules présentatrices, et, surtout, de décider d’une action. Car ce gradé va donner des ordres. Le bout de myéline empoisonné, qu’il voit dans les mains du guetteur, le motive à lancer une attaque. Dans sa logique carrée, il bombarde l’origine du mal, la source de myéline. Sans se rendre compte, évidemment, qu’en intensifiant son attaque contre l’usine de myéline, la production devient de plus en plus empoisonnée, ce qui l’oblige à redoubler d’efforts: le cercle vicieux est lancé. La sclérose en plaques est un phénomène d’emballement et « la maladie dépend du niveau d’intensité de la réaction du lymphocyte T ». Voilà la mécanique mise à jour. En éclaté.

La stratégie gagnante

Où réside alors, dans ce schéma, le point faible, le talon d’Achille de l’adversaire, la clé qui permettra retourner la situation? « Là », indique Jean-Marie Saint-Remy. Et il montre la petite séquence de myéline empoisonnée présentée par le guetteur. Cette petite protéine que le lymphocyte T s’apprête à lire. « Nous avons trouvé le moyen de modifier le message. À la séquence de myéline, nous ajoutons un petit bout d’information. La formule se résume à quatre lettres: CXXC. ‘C’ pour cystine et ‘X’ pour acide aminé. C’est-à-dire, dans notre jargon, un motif contenant une activité d’oxydoréduction, qui va programmer le suicide des cellules présentatrices, lesquelles seront dès lors forcées à s’autodétruire. » Un mot de quatre lettres, glissé dans un message codé: la décisive opération de contre-information va inverser le cours des choses. Car, à la lecture du message, revu et corrigé par l’équipe du professeur Saint-Remy, le gendarme lymphocyte T prendra une tout autre décision, une autre direction. Au lieu de s’attaquer à la source de myéline et de jeter ainsi de l’huile sur le feu, alimentant le brasier intérieur, il tuera simplement le messager.

Dans « Œdipe Roi », Sophocle faisait dire à Antigone: « Personne n’aime le messager de mauvaises nouvelles. » Shakespeare en rajoutait une couche et faisait « tuer » ce messager. Le procédé, qui ajoute une note dramatique au théâtre, prend ici un autre sens: il permet, au contraire, de dénouer la tragédie qui se joue au sein de l’organisme. Jean-Marie Saint-Remy précise: trois injections suffisent. Trois coups avant un lever de rideau. Changement de décor. Le cercle vicieux est transformé en cercle vertueux, le processus inflammatoire est enrayé, une phase de récupération s’enclenche. Le visage de Saint-Remy s’illumine, il est formel: « Le patient est sûr de pouvoir récupérer ses fonctions altérées! Du moins en partie. »

Cette thérapie cellulaire, dite autologue, consiste en une prise de sang pour prélever des cellules sanguines du patient. En culture, l’équipe médicale effectue son opération de désinformation. Quatre stimulations permettent d’obtenir une sélection homogènes de cellules à activité thérapeutique. Une fois que les lymphocytes T, porteurs du message imposé par le code CXXC, sont transformés en tueurs de messagers, ils sont réinjectés et le miracle s’accomplit.

Il faut compter deux mois environ, entre la prise de sang et la réinjection. Dont 24 h de test et 4 à 6 semaines de mise en culture. Le schéma a été validé, standardisé, s’appuyant sur un modèle animal de thérapie cellulaire. Quelques souris ont été induites en maladie, un minimum, mais avec des protocoles qui miment, au maximum, le modèle humain.
Le premier patient, qui aujourd’hui se prête à l’essai clinique, a été recruté en janvier et recevra l’injection en juin, à Bruxelles, aux cliniques Saint-Luc. D’autres patients seront recrutés entre-temps dans les trois hôpitaux belges avec lesquels ImCyse collabore : Saint-Luc (UCL), Sart-Tilman (ULg), Gasthuisberg (KUL). Pour suivre le même protocole et confirmer les données.

L’horizon?

Fin 2016, si tout va bien, les résultats complets de cette première étude seront connus. La population visée en première instance? Les patients victimes de la forme récurrente de la maladie, chez qui la sclérose n’a pas encore trop lourdement affecté l’organisme.

Une fois le principe acquis, le developpement complet prendra encore plusieurs années. La question qui se posera à ImCyse sera celle de l’échelle, du déploiement d’une technique désormais éprouvée. Le professeur évoque des campagnes de vaccination directe auprès de populations à risques, dont il reste à définir le profil (hérédité, environnement…).

Développement

Jean-Marie Saint-Remy conclut: « ImCyse est une plateforme technologique, pas un nouvel emballage pour une babelutte! » C’est-à-dire un vivier de solutions. Et la technique qu’il est en train de valider pour la sclérose en plaques vaut pour d’autres maladies auto-immunitaires. Au premier rang desquelles… le diabète insulino-dépendant.
Effectivement, on imagine la pression. L’enjeu de l’essai clinique en cours est considérable. « Il s’agit d’une technologie de rupture, révolutionnaire, et nous avons l’ambition de la développer dans de nombreux domaines », nous glisse Pierre Vandepapelière, CEO d’ImCyse.

Une porte s’ouvre. Les investisseurs commencent à s’y presser: Meusinvest, Biogenosis… Un premier plan d’investissements a été lancé en 2012. Après la Flandre – ImCyse est devenue spin-off de la KUL en 2011, six mois après sa création –, la Région wallonne est venue la soutenir et l’Europe lui a accordé un gros subside pour son projet dans le diabète. « Le but est d’arriver à guérir ces maladies sévères, on a le potentiel. ImCyse peut devenir un leader mondial de l’immunothérapie. »

_En savoir + : ImCyse

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