La sclérose en plaques, une maladie complexe

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La sclérose en plaques, une maladie complexe…

Pas moins de 80 000 personnes sont touchées par la sclérose en plaques en France, en majorité des jeunes adultes et des femmes. Il s’agit même de la première cause de handicap non traumatique chez les jeunes adultes. A l’occasion de la journée mondiale de la sclérose en plaques mercredi 30 mai, le docteur Roland Liblau revient sur cette maladie inflammatoire du système nerveux central « complexe », notamment parce que son évolution est imprévisible et ses causes sont à la fois génétiques et environnementales.

Pour le professeur d’immunologie clinique au CHU de Toulouse, il existe encore de nombreuses zones d’ombres, mais la récente découverte de la totalité des gènes responsables est une « avancée remarquable » et « une porte ouverte inespérée à la compréhension de la maladie et au développement thérapeutique ».

Pourquoi a-t-on autant de mal à cerner l’origine de cette maladie ? Existe-t-il des pistes permettant d’en comprendre les causes ?

La sclérose en plaques (SEP) est une maladie complexe. Cela vient du fait qu’il existe un substrat génétique à la maladie, mais aussi des facteurs environnementaux. Il n’existe pas un seul gène responsable, comme dans la myopathie de l’enfant, mais une multiplicité de gènes. La première complexité est ainsi qu’il existe cinquante régions génétiques différentes liées à la SEP.

Le deuxième niveau de complexité est le suivant : ce n’est pas parce qu’un individu présente ces gènes qu’il va développer la maladie. Se greffent en effet des facteurs environnementaux multiples.

Les facteurs génétiques sont accessibles à la compréhension expérimentale : il est possible de les tester et d’investiguer avec justesse. En ce qui concerne les facteurs environnementaux en revanche, on a besoin de mener des études épidémiologiques, car ils sont encore plus nombreux : les infections virales, les bactéries, le tabac, le soleil, les polluants. Il s’agit de pistes et il est encore nécessaire de les tester un par un.

Le croisement de ces deux complexités explique pourquoi cette maladie demeure énigmatique.

Est-il possible d’identifier certains facteurs environnementaux avec certitude ?

Oui, pour trois d’entre eux : l’ensoleillement, qui influe sur le taux de vitamine D et protège de la SEP. C’est un facteur qui réduit les cas de façon statistique, mais pas de façon absolue. L’infection par le virus d’Epstein-Barr et le tabac qui favorisent la maladie.

Un exemple : les populations scandinaves, chez qui on observe la plus grande prévalence de SEP. Des études ont observé les migrations de ces populations notamment vers Israël et l’on s’est aperçu qu’après l’âge de 15 ans les personnes gardaient le risque d’origine. L’ensoleillement mais aussi l’alimentation sont alors des pistes. Cela souligne en tous les cas l’importance de l’environnement tôt dans la vie.

Quelles peuvent être les différentes manifestations de cette maladie et ses types d’évolution ?

Dans 85 % des cas on observe des poussées régressives à savoir l’apparition de nouvelles manifestations : troubles moteurs, perte visuelle, troubles de l’équilibre. Cela dure quelques semaines et cela disparaît spontanément. Après cet intervalle il y a une nouvelle poussée. Cela finit par laisser des séquelles qui vont entraîner un handicap permanent. Après 15-20 ans de SEP, plus de 50 % des patients présentent des troubles de la marche permanents.

Dans 15 % des cas, il n’y a pas de poussées mais la maladie s’installe avec un handicap croissant d’une année à l’autre. Il n’y a cependant pas d’aggravation brutale. Il faut savoir qu’aujourd’hui le diagnostic est de plus en plus aisé grâce aux moyens d’imagerie cérébrale.

Pourquoi est-il impossible de guérir la maladie ? Comment la ralentir ?

Il existe deux objectifs thérapeutiques : bloquer la maladie et prévenir que de nouvelles zones soient atteintes. Aujourd’hui, on est capable de ralentir la maladie en bloquant la survenue de nouvelles poussées mais une fois qu’il y a eu une poussée, il n’est pas possible de réparer les dégâts.

L’identification de tous les gènes favorisant la SEP par une équipe internationale de chercheurs en août 2011 est une piste majeure pour la recherche. Cela va permettre de comprendre leur rôle dans le fonctionnement immunitaire, à savoir ce qui conduit les globules blancs à attaquer le système nerveux central, la myéline. Cela ouvre également des sous-voies : quelles sont les cellules directement responsables dans les plaques de la SEP. Cette découverte n’a pas encore abouti à l’élaboration de médicaments, mais c’est une porte ouverte inespérée à la compréhension de la maladie, d’une part, et au développement thérapeutique, d’autre part.

Par ailleurs, on sait que les globules blancs jouent un rôle délétère dans l’attaque du système neverveux. Aussi, toute stratégie visant à prévenir leur passage du sang vers le cerveau est une piste raisonnable pour ralentir la maladie. Il y a ainsi à disposition des patients un type de médicament dit de première ligne, par voie orale ou injectable. Ce médicament modifie le fonctionnement des globules blancs. Il a très peu d’effets indésirables et réduit d’un tiers la fréquence de nouvelles poussées.

Quand ce traitement n’est pas efficace, il existe des médicaments de deuxième ligne, qui sont plus agressifs, avec des effets indésirables plus importants : des risques d’infections virales graves, notamment du cerveau. Ils réduisent de 70 % l’apparition de nouvelles poussées.

Les jeunes adultes et les femmes sont majoritairement touchés par la maladie, comment l’expliquer ?

En ce qui concerne les femmes, il est toujours tentant d’impliquer les facteurs hormonaux, notamment les œstrogènes. Quand les femmes ont une grossesse, l’activité de la maladie décroît de façon très notable aux deuxième et troisième trimestres pour avoir un rebond d’activité après la grossesse. Or on sait que le taux d’hormones est très élevé durant ces trimestres. On note qu’il y a également un pic des premières manifestations de la maladie vers 28-30 ans. On ne peut pas expliquer ce phénomène de façon certaine.

Comment vit-on au quotidien avec la SEP ?

Pour 20 % des patients, la maladie reste bénigne. Autrement dit, il n’existe pas de handicap après vingt ans de maladie. Pour ces patients-là, il est nécessaire de s’interrompre professionnellement au moment des poussées. On note, à l’opposé, des formes culminantes de la maladie entraînant un handicap majeur dans les cinq à dix ans. Globalement, l’espérance de vie n’est que modestement affectée : de sept à dix ans à la baisse. Mais c’est la qualité de la vie qui est impactée avec la perte de l’emploi, des troubles sexuels et des conséquences socio-économiques et familiales importantes.

Il existe tout un dégradé de l’évolution. De là vient la difficulté, chez un patient, de connaître la courbe de progression de la maladie. Nous n’avons pas les outils fiables qui permettent de le dire.

Flora Genoux{jcomments off}

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